[journal] retour au pays #2 – #januaryinjapan

Hé le monde !

J’espère que tu te portes bien ! De mon côté, j’ai repris la lecture, donc qui sait : peut-être que ce blog va reprendre vie ? En tout cas, pour 2021, j’ai décidé de me motiver un peu et de rejoindre en cours de route le #readtheworld21, lancé sur Instagram par Lauren de @end.notes et Rachael de @anovelfamily. Ce challenge, en cours depuis avril dernier (mais bien sûr je découvre toujours les bons bails avec dix plombes de retard), propose d’explorer chaque mois la littérature d’un pays ou d’une partie du monde. Pour janvier 2021, le pays est le Japon, permettant au #readtheworld21 de croiser le #januaryinjapan traditionnellement tenu par Lauren à cette période. Bref, tu l’auras compris, j’ai lu quelques titres japonais – 4, plus précisément – pour commencer l’année, et j’ai eu envie d’en parler ici !

         Livre : Chroniques de l'oiseau à ressort écrit par Haruki ...

Cristallisation secrète de Yôko Ogawa
(Actes Sud, traduit par Rose-Marie Makino)

Je me demande de temps en temps ce qui a disparu de cette île en premier.

Sur l’île où vit la narratrice, les choses disparaissent du coeur des gens, une à une, comme si elles n’avaient jamais eu de sens pour eux. Seuls quelques individus gardent en eux la signification et les souvenirs de ces choses disparues, et sont pour cela jugés dangereux et chassés par la police de la mémoire. Les disparitions semblent pourtant insignifiantes au premier abord… mais finissent par s’accumuler, et creuser des trous dans le tissu de l’univers jadis paisible de l’île. Comme toujours avec Yôko Ogawa, je n’ai pas été déçue. Elle a le don de façonner des histoires parmi les plus magnétiques et oniriques que j’ai lues, et ce roman-ci, sur fond d’absurdité existentielle et de réflexion sur le totalitarisme, n’a pas manqué de me captiver. Ce livre m’a laissée rêveuse, pensive et éblouie par l’atmosphère douce-amère de l’île, de la première à la toute dernière ligne. 

Et puis après de Kasumiko Murakami
(Actes Sud, traduit par Isabelle Sakaï)

La plage d’après l’absence approchait peu à peu, elle étincelait dans le soleil matinal et c’était un spectacle qui lui parut limpide et irréel. (…) Les pêcheurs arrivant sur la plage et ceux qui les y attendaient semblaient mal à l’aise et troublés, ne sachant comment raconter ce qui venait de leur arriver, ils semblaient perdus.

11 mars 2011 : un tsunami frappe la côte pacifique japonaise suite à un séisme de magnitude 9,1 sur l’échelle de Richter – l’un des plus forts de l’histoire connue. Ce tsunami, c’est celui qui a provoqué l’accident nucléaire de Fukushima, mais dans ce court texte, Kasumiko Murakami ne nous parle ni de centrale ni de radioactivité. Ici, elle nous raconte la catastrophe et ses suites à échelle humaine, au travers des yeux du pêcheur Yasuo et de son épouse Tokie. Au moment du séisme, Yasuo a pu sauver son bâteau et sa vie, fuyant avec ses collègues pêcheurs vers la sécurité de la haute mer. À leur retour à terre, trois jours plus tard, et malgré le fait que sa femme ait survécu, l’ampleur du drame noie Yasuo sous la culpabilité du survivant. Tout est à reconstruire, le village a disparu, les habitants sont désormais des réfugiés sans toit et parfois sans famille. Et pourtant, malgré le désespoir et la tristesse qui imprègnent de ce texte, l’espoir reste présent. L’écriture efficace de Kasumiko Murakami, tout en mettant des mots sur un événement traumatique de l’histoire japonaise récente, lui permet de livrer un témoignage-fiction impactant, au plus près des personnes touchées, et de montrer les choses sous un angle différent et nécessaire (d’autant plus pour moi qui ai vécu l’événement de loin, en France et par le prisme des médias). TW > mort / cadavre / suicide / deuil.

Les dames de Kimoto de Sawako Ariyoshi
(Folio, traduit par Yoko Sim et Anne-Marie Soulac)

La « famille » est comme un flot qui a coulé de vous à mère et de mère à moi.

Toute fin du XIXème siècle. Hana, sur les conseils de sa grand-mère, descend le fleuve Ki pour se marier. Vingt ans plus tard, Fumio, sa fille, part pour la ville. Elle fuit le destin étriqué que lui réserve sa mère, prête à tout pour avoir une chance de vivre selon ses propres idéaux, en femme moderne. Dix, quinze ans après, c’est Hanako qui va et vient entre l’étranger, la ville et la campagne, où vit sa grand-mère adorée. La guerre est passée par là, bouleversant la vie de ces femmes sous le regard inquiet de la matriarche, et Hana a vu son monde de tradition se dissoudre dans un nouvel ordre des choses. L’histoire racontée par Sawako Ariyoshi avec une grande délicatesse est ainsi celle de trois générations de femmes, piliers d’une famille qui doit se résigner à accompagner l’évolution de la société japonaise. Ce qui fait la richesse de cette histoire menée de main de maître, ce sont les ambitions et la nostalgie de Hana, les espoirs et l’indépendance de Fumio, la lucidité et la curiosité de Hanako. Comme suivant le cours du fleuve qui jamais ne se laisse arrêter, on suit les méandres de ces trois vies, liées par le sang et pourtant on ne peut plus différentes. Les pages se tournent toutes seules, apaisantes et pleines de tendresse, jusqu’à nous laisser avec une sensation de légère mélancolie.

Chroniques de l’oiseau à ressort de Haruki Murakami
(10/18, traduit par Corinne Atlan et Karine Chesneau)

Cela me rappelait les films d’art et d’essai que j’allais voir quand j’étais étudiant, où rien de ce qui ne se passait n’était jamais expliqué. Toute explication logique risquait de porter atteinte au « réalisme » du film.

Toru Okada a perdu son chat. Puis sa femme. Puis l’oiseau à ressort qui venait chanter dans son jardin pour remonter les rouages de son existence ; et forcément, à partir de là, tout a commencé à partir à vau l’eau. Dit comme ça, on dirait une histoire un peu légère, un peu farfelue. Pourtant, en vrai, on en est plutôt loin. Chroniques de l’oiseau à ressort est le Haruki Murakami le plus… cohérent ? que j’aie lu à ce jour, mais c’est aussi le plus habité. Il y a quelque chose de poisseux, de viscéral, de glaçant dans ce livre qui est pourtant également envoûtant, et même réconfortant par moments. Comme souvent avec Haruki Murakami, on se fait emporter dans un univers qui aurait fait comme un pas de côté par rapport au nôtre, juste légèrement décalé, mais c’est d’autant plus captivant (et quand même plutôt dérangeant, on ne voudrait pas rester dans notre zone de confort non plus I guess). TW > viol / douleurs chroniques / sexe / prostitution / torture / meurtre / suicide / mention de violences conjugales.

Et voilà pour mes lectures japonaises de janvier ! Si toi aussi tu veux découvrir un peu plus de littérature japonaise, je t’invite à te tourner vers le #januaryinjapan sur Instagram, et vers le merveilleux blog de Kevin, Comaujapon ! Et en attendant la prochaine fois, je te souhaite de jolies lectures et plein de courage pour 2021 (on y croit, ça va le faire).

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