Hé le monde !
Il y a quelque temps, j’ai lu Gabacho d’Aura Xilonen, et ça m’a tellement marquée que depuis j’en parle partout autour de moi en espérant le faire lire à tout le monde. Du coup, forcément, j’avais envie d’en parler ici aussi… sauf que c’est un livre mexicain, et le Mexique c’est déjà rayé de ma liste un livre | un pays (sisi, même que la chronique est ici) ! Enfer et damnation, que faire ? Eh bien tout simplement inaugurer une nouvelle rubrique. Ayant envie d’un format plus court, plus simple, plus direct (tu le sens le débarquement du tutoiement ?) pour parler de ces lectures à part et qui peuvent pourtant s’inscrire dans mon journal de bord, je te propose de débuter tout de suite cette série de petites chroniques gentiment nommées retour au pays.
Souviens-toi, cher lecteur, que je t’ai emmené pour ma première chronique mexicaine dans l’univers sombre et onirique de Juan Rulfo, avec Pedro Páramo. Eh bien, prépare-toi à tout autre chose cette fois ! Ici, on est dans du brut de décoffrage, dans du cru, dans du bouquin qui sonne vrai et qui te met une châtaigne en passant. Parce que oui, Gabacho, c’est le genre de livre que je qualifierais avec conviction et à propos de « coup de poing littéraire ». La langue audacieuse et inventive – une langue de la rue toujours surprenante – voilà ce qui m’a marquée dans Gabacho. Ça et les tournures improbables, les néologismes qui fusent avec un air de défi (genre « ouais, j’existe, qu’est-ce que tu vas faire ? »), les mots atypiques ou familiers choisis avec soin, les phrases parfois bordéliques, les expressions souvent inattendues. Et aussi le fait que tout ça fonctionne du tonnerre : ce langage si particulier sert le propos avec une pertinence rare, et crée une ambiance toute particulière qui met en valeur l’intrigue.
Parce que Gabacho, c’est aussi l’histoire de personnages fort attachants, et principalement d’un immigré clandestin mexicain qui fait son bout de chemin aux États-Unis. Cette histoire je vais te la raconter comme je l’ai racontée à tous les gens à qui j’ai conseillé ce livre (beaucoup) : on commence avec Liborio, qui a passé la frontière américaine en galérant bien et qui maintenant bosse dans une petite librairie. Son patron est plutôt un sale type mais le protège quand même des autorités, et Liborio s’installe dans sa petite vie, entre le dictionnaire qui lui sert de livre de chevet et « la gisquette » qui vit dans l’immeuble d’en face et qu’il n’osera jamais aborder. Sauf qu’un jour, tout cet équilibre se casse la figure : la librairie est cambriolée, ou du moins ravagée pendant la nuit, et voilà notre gaillard à la rue avec trois sous en poche… Et le reste, je te laisse le découvrir, mais je peux déjà te dire qu’une fois passées les quarante premières pages de mise en place ça se lit comme de rien et ça t’embarque d’un coup d’un seul (ma lecture = 40 premières pages en plusieurs fois + tout le reste d’une traite, c’est dire si ça part au quart de tour).
En bref : une lecture qui prend aux tripes, qui sent la poussière et la sueur, parfois agressive parfois très douce mais toujours sublimée par la plume d’Aura Xilonen (et extrêmement bien traduite par Julia Chardavoine). Je te recommande drôlement, promis, tu vas voir c’est bien (argument de qualité s’il en est).
> XILONEN, Aura – Gabacho, Liana Levi – traduit de l’espagnol (Mexique) par Julia Chardavoine.