Ahoj le monde !
Je n’ai pas eu à chercher longtemps par où commencer ce tour du monde littéraire : grâce à un ami tchèque, j’avais déjà sous la main le livre idéal, que j’avais envie de lire depuis un moment déjà. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai choisi de débuter un livre | un pays avec Risibles amours, de Milan Kundera.
La quatrième de couverture ? Des plus intrigantes : [« Suppose que tu rencontres un fou qui affirme qu’il est un poisson et que nous sommes tous des poissons. Vas-tu te disputer avec lui ? Vas-tu te déshabiller devant lui pour lui montrer que tu n’as pas de nageoires ? Vas-tu lui dire en face ce que tu en penses ? ». Son frère se taisait, et Édouard poursuivit : « Si tu ne lui disais que la vérité, que ce que tu penses vraiment de lui, ça voudrait dire que tu consens à avoir une discussion sérieuse avec un fou et que tu es toi-même fou. C’est exactement la même chose avec le monde qui nous entoure. Si tu t’obstinais à lui dire la vérité en face, ça voudrait dire que tu le prends au sérieux. Et prendre au sérieux quelque chose d’aussi peu sérieux, c’est perdre soi-même tout son sérieux. Moi, je dois mentir pour ne pas prendre au sérieux des fous et ne pas devenir moi-même fou.]
Alors, à quoi s’attendre ? À un fascinant recueil de sept nouvelles, tout simplement. Abordant des thèmes classiques – l’amour, le sexe, l’identité, l’illusion, la relation aux autres – Milan Kundera en fait quelque chose de résolument moderne et décomplexé : une vision lucide et désenchantée de la vie, de la mort et de l’amour.
Les personnages, assez peu décrits mais pourtant excessivement expressifs, nous livrent leurs pensées sans concession : on rencontre ainsi Martin, charmeur invétéré qui séduit pour séduire sans même consommer ses conquêtes, le docteur Havel, expérimenté théoricien de l’amour totalement désillusionné ou encore Édouard, jeune amoureux confronté à la dure contradiction entre ce qu’il rêve d’avoir et ce qu’il obtient au final…
Outre la captivante réflexion suscitée par l’ouvrage et son écriture totalement maîtrisée, on peut dans Risibles amours saisir une ambiance, découvrir un cadre politique et idéologique : celui de la République tchèque des années 60. Par petites touches, les nouvelles de Kundera évoquent un régime communiste oppressant, satellite de l’URSS, qui surveille la vie professionnelle et privée de ses citoyens (comités de voisinage, contrôle des voyages vers l’étranger, procès publics, réprobation de la croyance religieuse…). Cette dénonciation discrète n’en est que plus marquante, et donne une dimension particulière à la lecture – une touche d’Histoire en plus.
Excellent départ donc avec ce recueil que je conseille à tous pour son contexte, son traitement, ses remarquables punchlines qui restent en mémoire (« Qu’importe que tout cela soit un jeu inutile ? Qu’importe que je le sache ? Vais-je renoncer à jouer le jeu, simplement parce qu’il est vain ? ») et sa facilité de lecture (avec une petite préférence personnelle pour la quatrième nouvelle, Que les vieux morts cèdent la place aux jeunes morts).
> KUNDERA, Milan – Risibles amours, édition revue par l’auteur, Gallimard, Folio – traduit du tchèque par François Kerel – (excellente !) postface de François Ricard.
> rédigé au son de « Kde domov můj ? » .