Bonjour à tous !
Vous vous souvenez peut-être de ma critique de Spores!, parue récemment sur le blog. Cette nouvelle d’anticipation auto-éditée par Olivier Saraja, courte mais fort intéressante, m’avait séduite et donné envie d’en lire plus. C’est donc avec grand plaisir que j’ai accepté quand l’auteur m’a proposé de m’envoyer son second ouvrage, cette fois-ci publié chez Walrus Books : Zombie Kebab, classé dans le genre pulp que je n’avais jamais eu l’occasion d’expérimenter. Le pulp ? Pour Walrus – et je trouve leur définition tellement cool que je vous la remets là – « le pulp, c’est simple : faut que ce soit foutraque. (…) Les protagonistes du pulp ne s’embarrassent pas des conventions : ils sont libres et se fichent bien d’être jugés. (…) Il faut que ça déborde, que ça colorie hors des lignes, voire que ça éclabousse. Un pulp, c’est fait pour faire du bruit, pour exploser en vol, pour décoiffer dans les chaumières, pour nous trouer le cerveau avec un foret à béton.« . Ca donne pas envie, ça ? Ce court roman à l’humour décapant et au titre plutôt évocateur a été une géniale découverte. Merci encore à Olivier (et à Walrus pour leur accord) de m’avoir permis de retrouver son écriture dans un tout autre univers !
[Au mauvais endroit, au mauvais moment : l’expression semble avoir été pensée pour Hakim, un banlieusard qui multiplie les petits boulots pour subvenir aux besoins des siens… jusqu’au jour où un accident fait basculer sa petite vie. Hakim devient alors le « patient zéro », le point de départ d’une apocalypse zombie. Malgré sa transformation — et une faim permanente —, Hakim conserve intactes ses facultés intellectuelles (ou presque) et s’en sert pour témoigner. Que fera-t-il de son nouvel état : protéger le monde, ou bien le dévaster ?]
Vous pensiez avoir fait le tour de la question zombie, entre les films, les séries et les livres ? Eh bien repensez-y : il serait en effet dommage de manquer Zombie Kebab. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce petit livre, avec sa superbe couverture et son titre accrocheur, arrive étonnamment à faire quelque chose d’extrêmement original avec un matériau vu et revu. La plume de l’auteur est une des pièces maîtresses de cette singularité – comme dans tous les romans, me direz-vous… mais ici, encore plus : Olivier Saraja parle réellement pour son personnage, et c’est fait de façon remarquable. Le style est ainsi très familier (parfois un peu gore mais pas vulgaire, attention, c’est dosé au millimètre : « Je force mon corps à se lever. C’est moche, cette poitrine béante. Et cette odeur de putréfaction, absolument atroce. Mes doigts s’affairent à rerentrer deux ou trois trucs qui dépassent. Des bouts de moi que je n’identifie pas restent sur un plateau en inox, soigneusement prélevés par le légiste. C’est maintenant que je regrette mes foutus cours de biolo : j’espère que j’aurai pas besoin de ces trucs-là, car je sais franchement pas à quoi ça sert.« ) et donc vraiment crédible : Zombie Kebab est écrit comme on parle, comme on pense, et surtout comme Hakim pense. Immersion totale dans la tête du personnage donc, et c’est tant mieux car il est très sympathique (surtout pour un zombie qui n’a aucun complexe à manger les gens vivants ! ou plutôt comme qui dirait, qui a « de drôles de pulsions culinaires. »). Ses réflexions font souvent écho aux nôtres, et le ton décalé fonctionne à merveille avec cette histoire délirante. L’humour, très présent mais pas lourd comme c’est parfois le cas, révèle un texte qui ne se prend pas au sérieux et qui peut ainsi se permettre de prendre des libertés et de mélanger les genres.
Le texte sort aussi du lot grâce à son histoire, et c’est franchement appréciable : j’ai par exemple beaucoup aimé le fait qu’en tant que patient zéro, Hakim reste tout à fait conscient de ce qu’il fait (quand tu te transformes en zombie, mais en restant posey : « Je me réveille chez moi avec une sacrée gueule de bois. Je n’ai rien bu, pourtant. Je me regarde dans la glace, et le reflet me renvoie la même tête pas fraîche que la veille. Mes dents sont rougies, je prends un peu d’eau que je fais jouer dans la bouche, avant de la recracher dans le lavabo. Des petits bouts de viande s’évacuent avec une flotte à la couleur douteuse. Mon estomac grogne, je le caresse pour le calmer. Je comprends pas, putain. Distendu comme il est, il devrait me foutre la paix. Je consulte mon téléphone.« ), ou encore l’apparition d’une chef zombie rivale qui redonne de l’élan à l’histoire. Seul petit bémol, la toute toute fin qui est encore un petit peu trop incroyable pour moi (genre les gens dans le livre trouvent ça normal haha) – mais qu’attendre d’autre dans un roman aussi atypique ? Le récit est très bien mené, sans temps mort : avec toutes les péripéties qui tombent sur le coin du nez de notre héros, pas le temps de s’ennuyer. Assez court, Zombie Kebab rentabilise les pages et se lit d’une traite.
Vous l’aurez compris : j’ai passé un excellent moment en lisant Zombie Kebab : c’est fluide, c’est fun, c’est original et insolent. Le style d’Olivier Saraja m’a encore une fois conquise par sa pertinence vis à vis du texte et par son addictivité (ça ne se dit sûrement pas mais tant pis) : je suivrai avec grand intérêt ses prochaines parutions (et sûrement aussi celles de Walrus, car cette première expérience du pulp m’incite à en découvrir davantage). Je recommande sans hésitation, pour une lecture sans prise de tête et divertissante – avec la petite touche nerd qui va bien.
> SARAJA, Olivier – Zombie Kebab, éditions Walrus Books.