Bonjour à tous !
Me revoici en un nouveau #JeudiAutoEdition, pour vous parler d’un roman SF tout beau tout neuf : Sanctum Corpus. Après avoir aimé Spores! et adoré Zombie Kebab, j’attendais avec impatience la nouvelle sortie d’Olivier Saraja : j’ai donc été ravie quand il m’a proposé de me faire parvenir son petit dernier en service presse dès sa parution (merci encore Olivier !). Une couverture superbe, un résumé intrigant, un teasing bien mené… J’étais super enthousiaste à l’idée de le commencer. Et au final peut-être même un peu trop, puisque malheureusement je n’ai pas autant apprécié que je l’aurais voulu. Let’s see why.
Tout d’abord, le résumé. [Il y eut la guerre. Les hommes étaient allés trop loin dans leur maîtrise du vivant : eugénisme, banque d’organes, immortalité. Scandalisé de n’être qu’une matière première génétique à exploiter, le tiers-monde finit par se révolter. Une société standardisée émergea, plus juste et régulée par des intelligences artificielles, mais lorsque des vagabonds extra-terrestres s’échouèrent sur Terre, il n’y eut d’alternative à l’extermination que d’incinérer le monde. Bien des années plus tard, Viktor est un scientifique de Gamma, une cité-îlot au cœur des terres brûlées. Au cours d’une attaque des envahisseurs, il est subitement arraché à sa vie médiocre et routinière. En compagnie de Fathya, une marginale aveugle, il dévoilera les plus sombres secrets de sa ville et de son inaccessible dirigeant.]
Dans Sanctum Corpus, nous découvrons donc un univers « post-apo », dévasté par la guerre et où la population de la ville de Gamma est divisée entre les privilégiés du Centre et les autres, relégués à la périphérie. Autant le dire tout de suite, j’ai trouvé le monde décrit dans cet ouvrage absolument extraordinaire (minute carte postale : côté campagne « Il atteignit les limites du campement et escalada la ceinture rocheuse qui séparait la petite communauté des vents mortels du désert. Il s’assit au sommet de celle-ci, son regard perdu au loin. A l’horizon, les nuages déversaient leur colère électrique sur le sol en direction de Gamma. Malgré la distance, il apercevait l’énergie chatoyante du Mur, ses hautes tourelles, et il pouvait même deviner le ballet des véhicules aériens qui ne quittaient pas le périmètre immédiat de cette oasis urbaine » VS côté ville « La périphérie était une fourmilière grouillante et industrieuse, toujours en mouvement ; le bruit, les odeurs et les lumières clignotantes y étaient aliénants, sans cesse changeants. Le Centre, au contraire, était extraordinairement calme. Les passants, bien que civils et courtois, n’étaient pas des plus expressifs. (…) La haute société de Gamma, au final, n’évoluait que dans les tours les plus élevées de la ville, incarnant à la perfection la notion de pyramide sociale.« ). J’ai aimé tout ce qu’il m’a été donné d’en voir : les cités-îlots (rien que le nom, j’adhère), la technologie omniprésente, la rébellion organisée, les tenants et les aboutissants de l’intrigue tournant autour des dérives de la génétique… C’est de l’excellente science-fiction, maîtrisée et fourmillant de détails – notamment techniques, et personnellement c’est quelque chose que j’aime beaucoup dans cette littérature. On sent la documentation et le travail de recherche de l’auteur, qui aboutissent à des éléments scientifiques crédibles et cohérents. La plume d’Olivier Saraja s’adapte en conséquence, précise, recherchée, élaborée. Les phrases sont élégantes, les mots choisis avec soin, le vocabulaire riche et les termes toujours exacts. Un plaisir à lire pour appréhender un monde très différent du nôtre, et où de complexes technologies occupent une place cruciale.
Mais alors, si l’univers était aussi bien, pourquoi dis-je que je n’ai pas aimé autant que je l’espérais ? Cela tient en fait, je pense, également au style d’écriture : le récit très factuel, aussi pertinent que cela soit pour décrire un monde aussi fourni et sophistiqué, m’a malheureusement laissée à distance des personnages. Je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher ni à Viktor, ni à Fathya, ni aux autres, et je n’ai donc pas tout à fait pu rentrer dans l’histoire… Les émotions des personnages sont beaucoup moins abordées que leurs actes : on les voit surtout de l’extérieur, et souvent ce sont juste les verbes de parole qui nous indiquent ce qu’ils ressentent (d’ailleurs, j’ai trouvé Viktor un peu agaçant, à constamment se plaindre – bon bon, là j’abuse, il a de quoi haha). Je n’ai pas non plus – et c’est sûrement lié – accroché à l’histoire d’amour naissante qui se tisse au fil des pages et qui, pour moi, se construit trop soudainement. J’ai ainsi regretté que le récit n’ait pas plus de place pour se développer, pour étoffer la personnalité des différents personnages (notamment les personnages secondaires assez badass) et surtout pour fluidifier l’enchaînement des scènes. Le tout m’a en fait laissé une impression de précipitation, un sentiment de temps dilué et passant un peu aléatoirement. J’ai apprécié de pouvoir suivre toute cette aventure aussi rapidement, mais j’ai parfois trouvé que les événements se succédaient « trop vite » (bien sûr, c’est un avis tout à fait subjectif, il faut croire que j’aime quand on s’étend un peu sur les transitions !).
Pour autant, j’ai passé un bon moment de lecture avec Sanctum Corpus – si certains aspects m’ont moins emballée, cela n’en reste pas moins un texte ciselé à la trame fascinante. Ce nouvel univers d’Olivier Saraja m’a captivée par sa structure complexe (le monde dans lequel se tient l’action est fouillé, et les révélations se succèdent), originale et très bien pensée, et par la réflexion qu’il induit chez le lecteur – notamment au sujet du transhumanisme, de l’usage des biotechnologies (serons-nous bientôt tous connectés, tous dépendants comme dans ce livre ? « Son corps flanchait, mais son esprit aussi était désorienté. Viktor avait besoin de se reconnecter à l’Intelligence, de l’interroger. De la laisser emplir sa conscience et son âme. (…) Accablé par des images, des sons et des odeurs qui n’étaient plus filtrés, son cerveau décrochait totalement. ») mais aussi de considérations politiques et philosophiques. Ce livre a attisé ma curiosité, m’a donné envie de me renseigner : ce qui se passe dans le monde de Sanctum Corpus n’est pas si éloigné de ce qui pourrait se produire d’ici quelques dizaines (centaines) d’années ! En bref, une lecture assez courte qui ne m’a pas tout à fait convaincue, mais définitivement intense, intéressante et surprenante de crédibilité : à vous de lire, pour vous faire un avis !
> SARAJA, Olivier – Sanctum Corpus – auto-édité et disponible ici. Retrouvez l’auteur ici.